Noah Kahan : la saison des bâtons

Après le revival post-punk qui arrive en bout de course il semblerait qu’on entre depuis quelques années déjà dans un revival « pop folk des bois » (ce terme est homologué par moi-même). Je n’y croyais plus, je pensais ces sonorités rendues au passé, déplorant que les chemises à carreaux soient rangées dans les placards, se faisant bouffer par les mites dans l’indifférence la plus totale. De mon côté j’ai résisté autant que possible en prenant soin de ma collec’ de Lumineers, de Ray Lamontagne, Langhorne Slim et consorts. Je vous en tartine d’ailleurs les oreilles dès que les feuilles commencent à tomber et le nez à couler. Mais petit à petit je m’en suis éloignée, jugeant qu’il était nécessaire d’aller de l’avant et de vivre avec son temps. C’était sans compter sur la jeune génération biberonnée à Hozier, Kaleo et Mumford and Sons, bien décidée à redonner ses lettres de noblesse à la « folk solaire des cabanes en bois au bord du lac » (celui là aussi je l’ai homologué).

« L’attitude du Nord »

Le petit Noah voit le jour dans le Vermont en 1997 (depuis quelques années j’écris sur des artistes bien plus jeunes que moi et ça commence à picoter). Vermont, si tu n’as aucune idée de ce que cela peut représenter en termes de décors, check sur Google et tu comprendras très vite pourquoi il n’a pas choisi de faire du reggae ou de la cold-wave. Je nourris ce fantasme de forêt rougeoyante, de pêche matinale, de lecture au coin du feu, de ragondin braisé et de musique acoustique devant un coucher de soleil sur le lac depuis que j’ai fait le tour de USA sur Encarta 98 (best video-game ever, je paie cher si tu as encore ce CD-ROM). Donc pile au moment où je m’inventais une vie imaginaire outre Atlantique, Noah venait au monde et 25 ans plus tard il allait me rappeler à quel point la musique peut créer des endroits mentaux ultra réconfortants voire salvateurs.

Si je te parle autant de cette ambiance du Nord Ouest Américain ce n’est pas juste parce que je me suis créé tout un tas de fantasmes autour mais bien parce que sa région d’origine fait partie intégrante de la musique de Noah dans ce troisième album. Il la chante autant qu’il la montre dans ses clips et ses visuels. Loin d’en donner une vision idyllique, en bon autochtone, il exprime le côté parfois déprimant qu’il peut y avoir à vivre dans un état aussi excentré des grandes villes où on finit par tuer l’ennui en picolant plus que de raison. Et c’est pour ça que je l’aime autant, mon fantasme américain a toujours été empreint de mélancolie voire de désolation.

If I get too close
And I’m not how you hoped
Forgive my northern attitude
Oh, I was raised out in the cold

L’ascension

Comme c’est la cas pour beaucoup de grands artistes, l’élan musical s’est imposé très tôt à Noah Kahan. A 8 ans il postait déjà ses compositions sur Soundcloud (ça picote ça aussi non ?). A 20 ans il signe chez son premier label, sort un single et tout naturellement le premier album suit. 2 ans plus tard, deuxième album. Il y a beaucoup de potentiel, sa voix est sublime et il sort des hits qui fonctionnent bien (Young Blood, Mess) mais pour autant sa musique reste noyée dans cette mer insondable de la folk-pop de la fin des années 2010.

2020, pandémie, confinement tu connais… Noah retourne dans son Vermont natal et est saisi par l’envie et le besoin de composer de la folk brute, pure et dure. L’inspiration est partout et c’est sur la table du salon de ses parents qu’il écrit son troisième album.

Pari réussi, à la faveur de l’automne dernier, il sort Stick Season et là il flirte clairement avec les cimes. Stick Season c’est ce moment de l’année entre les feuilles qui tombent et les premières neiges, moment de flottement propice à l’introspection, à la contemplation et aussi un peu au spleen. Le moment idéal pour faire de la folk de cet acabit. Entendons nous bien, il ne s’agit pas de folk molle du genou où un mec chiale sur sa gratte sèche. Dans la lignée de ses grandes inspirations, Noah Kahan délivre une folk qui, même si elle commence tranquille, te donne un smile et une patate d’enfer en moins de deux. Il raconte des histoires de rupture, d’isolement, de la peur de grandir mais à l’instar des Lumineers ou des Of Monsters & Men, c’est un condensé d’ondes positives qui ressort de l’album.

En France on est encore un peu à la ramasse pour ce genre de zik et le grand public n’ira, hélas, pas l’écouter avant de l’avoir shazamé dans une série US de Netflix. Résultat, il existe très (trop) peu de chroniques (j’en ai trouvé UNE) sur ce merveilleux disque de Noah Kahan alors qu’il est une grosse méga giga star aux States. Je tenais à ajouter mon caillou à l’édifice parce que grâce à lui je voyage comme avec Encarta et que je souris d’un écouteur à l’autre en marchant dans les feuilles sous le soleil d’automne avec mon nez qui coule.

PS: je n’ai jamais mangé de ragondin et ce n’est pas dans mes projets immédiats.

Ecouter Stick Season

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