Night Records exhume Willie « Blind » Johnson et Ma Rainey

Quand on aborde le sujet du blues il est tentant de s’essayer à décrire le genre et tout ce que ça implique. Perso j’ai abandonné depuis longtemps, je considère qu’au même titre que la « toska » pour les doomers post soviétique, le blues est un état d’esprit (d’âme) qui ne s’explique pas avec des mots mais qui se ressent jusque dans les os.

La vie de Willie « Blind » Johnson aurait pu inspirer des drames de Dickens ou Marlot mais elle l’a surtout prédestiné à être la caricature du bluesman maudit. Il nait vers 1897 (dans ce eaux là) dans une petite ville du Texas et n’aura pas la chance de grandir avec sa mère qui mourra peu de temps après. Il nourrit très vite le désir de prêcher et de faire de la musique, son père approuve et lui offre une cigar-box grâce à laquelle il récoltera quelques piécettes dans la rue. Enfant victime des conneries des adultes, le petit Willie devient aveugle à l’âge de 7 ans après que sa belle-mère lui ait jeté au visage une solution caustique d’eau de lessive pour se venger du père qui l’avait tabassée, lui même pour se venger de l’infidélité de cette dernière… Même si dans sa trentaine Il enregistre plusieurs titres pour Colombia Records et se fait connaître pour sa façon de slider aussi bien avec un bottleneck qu’avec un couteau, il sera pauvre toute sa vie. Coïncidant avec ses désirs de petit garçon il devient prêcheur dans un bâtiment qui brûlera intégralement en 1945 mais qui restera sa demeure. Bien qu’il prêche la bonne parole, sa voix est celle d’un fantôme qui aurait déjà traversé les enfers. C’est dans les décombres insalubres de sa « maison » qu’il chopera une maladie (probablement la malaria) dont il ne pourra être soigné du fait de son insolvabilité (et de sa couleur de peau surtout). Aujourd’hui son morceau Dark Was The Night Cold Was The Ground résonne dans l’espace via la sonde Voyager et ça fout des frissons.

Ma Rainey c’est une toute autre histoire. Elle découvre le blues alors qu’elle est en tournée de vaudeville. Sous le charme elle popularise ces nouvelles mélodies, lui valant alors le surnom de « mère du blues », « Mama Rainey ». Ma est surtout une grande féministe qui a soif de liberté, connue pour sa grande gueule, elle clame haut et fort sa bisexualité (Prove It On Me), revendique un salaire égal à celui des hommes et conteste le patriarcat bien avant que ce soit à la mode. L’énergie et l’extravagance de cette rock star avant l’heure finira par lasser et elle se retirera dans sa Géorgie natale en 1935. Forte de son expérience, elle formera des talents comme Bessie Smith et Louis Armstrong (dit-on). Je te conseillerais bien le film Netflix « Le Blues de Ma Rainey » mais bien loin de rendre un réel hommage à la musique puissante de Ma, il m’a complètement laissée sur ma faim.

Deux bijoux à (re)découvrir grâce à La Face Cachée et Night Records sous l’égide de l’illustrateur au talent tout autant indescriptible que le blues : Monsieur Jean-Luc Navette. Et si tu en veux encore, laisse toi bercer par la douzaine de Dead Voices déjà ressorties de terre par le label.

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Chroniques de Son House et Lead Belly

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